La directrice de recherche à l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) au sein de la Toulouse School of Economics analyse pourquoi il faut combiner de nombreuses mesures pour espérer avoir des effets significatifs.
La chercheuse à la Toulouse School of Economics et directeur de recherche en économie à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), observe que les taxes ne permettent pas de réduire la consommation de viande.
La production alimentaire est responsable d’environ 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’agriculture est le deuxième plus grand contributeur au réchauffement climatique après le secteur de l’énergie.
SOCIÉTAL.- Vos travaux soulignent l’impact de la consommation de viande, et en particulier de la viande bovine, sur le réchauffement climatique. Quel est celui des terres consacrées à l’élevage ?
Zohra Bouamra-Mechemache.- Lorsque l’on calcule les émissions de gaz à effet de serre, le stockage dans les prairies est pris en compte. Bien sûr, cela a un effet, et tous les animaux ne sont pas élevés de la même façon, donc toutes ces choses sont prises en compte. Il convient également de mentionner que l’élevage d’animaux représente 75% de toutes les terres agricoles du monde. C’est donc un autre impact positif majeur de la réduction de la consommation : vous libérez beaucoup d’espaces, éventuellement pour capturer plus de carbone.
D’autre part, la déforestation n’est pas le seul problème de l’élevage, c’est aussi la fermentation entérique qui génère des gaz à effet de serre. Enfin, des efforts sont faits aujourd’hui pour tenter de réduire les émissions du côté de la production, mais les conclusions de nos études sont irréfutables, et seule une réduction de la consommation de viande pourrait réellement avoir un impact majeur sur le réchauffement climatique causé par notre alimentation.
Seule une réduction de la consommation de viande pourrait réellement avoir un impact majeur sur le réchauffement climatique causé par notre alimentation.
La consommation de viande stagne en Europe et aux États-Unis mais augmente dans les pays en développement. Comment interpréter ces chiffres ?
Si nous examinons la consommation de viande en fonction des revenus, il y a une courbe en cloche, c’est-à-dire qu’aux niveaux de revenus faibles, la consommation de viande augmente avec les revenus ou les revenus disponibles, se stabilise à un certain niveau puis diminue.
Une autre tendance importante est l’augmentation de la consommation de produits transformés qui contiennent en moyenne moins de viande, mais qui sont aussi généralement moins sains.
Les éleveurs, déjà sous pression, sont réticents à l’idée de taxer la viande. Quel serait l’impact d’une taxe ?
Lorsque vous taxez un produit, la première conséquence est une hausse des prix, la production diminue et donc les bénéfices de l’industrie aussi. Une stratégie qui pourrait s’avérer efficace pour les agriculteurs serait alors de se différencier par une augmentation de la qualité, ce qui leur permettrait à leur tour d’augmenter les prix et donc leurs profits.
Un parallèle peut être établi, peut-être un peu rapidement, avec l’industrie du vin.
En 20 ans, la consommation a diminué de moitié en France, mais la qualité a énormément augmenté. Les revenus du secteur ont également augmenté. Nous avons donc réussi ce double défi de la réduction de la consommation et de l’augmentation de la rentabilité.
Un parallèle pourrait être établi avec la filière viticole, qui a réussi ce double défi de réduction de la consommation et d’augmentation de la rentabilité.
Les initiatives afin de réduire la consommation de viande sont-elles efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Nos travaux montrent clairement les limites d’une taxe. La demande de viande est relativement inélastique, c’est-à dire que même si le prix augmente, les consommateurs continuent à acheter de la viande. Les initiatives de sensibilisation, qui visent à faire prendre conscience aux consommateurs de l’impact de leur comportement, telles que les campagnes d’éducation ou l’initiative du Lundi Vert, semblent aujourd’hui être les outils intéressants pour réduire l’impact carbone de l’élevage. En bref, nous devons manger moins de viande pour le climat.
