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Sociétal - Florence Lustman
Confiance & dette globale

Florence Lustman : La confiance en l'économie dépend de la capacité à offrir des emplois

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#Confiance & dette globale Entreprises

La présidente de la Fédération Française de l’Assurance (FFA), Florence Lustman estime nécessaire de rembourser la dette « au bon rythme » en optant pour une trajectoire à la fois crédible et soutenable qui ne mettrait pas en péril la vigueur de la reprise. Elle rappelle le rôle majeur de soutien au financement de l’économie productive des assureurs, rôle accru depuis le début de la pandémie.

Propos recueillis par José Bardaji, Directeur Statistiques & Recherche Économique de la Fédération Française de l’Assurance (FFA)

Que recouvre, selon vous, la notion de « dette globale » ? 

La dette globale recouvre l’endettement d’un pays, ie l’endettement de l’ensemble des secteurs institutionnels résidants : administrations publiques, ménages et entreprises. Dans le jargon des économistes, on parle également de position extérieure nette ; 

Cet endettement représente près de 700 Md€ fin 2020, soit 30 % du PIB. Notons qu’à ce niveau, il se rapproche du seuil d’alerte de la procédure européenne pour les déséquilibres macroéconomiques (−35 %) ; 

L’année 2020 a vu cet endettement grossir de 5 points de PIB en un an en raison de la crise inédite, aussi bien par sa nature que par son ampleur. La balance courante française est déficitaire à près de 44 Md€, soit 1,9 % du PIB, niveau record depuis 1982. En outre, les autres variations (de change, boursière, etc.) ont également joué négativement. 

source : Banque de France, juillet 2021 

 

En tant que présidente de la FFA, comment appréhendez-vous les enjeux de l’endettement public ? 

La dette publique française atteint 115 % du PIB en 2020, en hausse de 18 points de base par rapport à 2019. Cette hausse est la conséquence directe de la crise et des mesures prises avec un déficit public de 9,1 % du PIB en 2020 qui pourrait encore s’élever à 8,1 % en 2021. 

Par rapport à nos principaux voisins, la France se situe à un niveau intermédiaire, avec une dette supérieure à celle de l’Allemagne (69 % en 2020) et des Pays-Bas (54 %) mais inférieure à celle de l’Italie (156 %) et de l’Espagne (120 %, source CE). 

L’assurance détient 16 % de la dette publique française (Agence France Trésor (AFT). En tant que premier investisseur privé domestique, notre préoccupation est de maintenir la qualité de cette dette. Cela nécessite le maintien de la confiance des marchés envers la dette française. À ce titre, le dernier avis du Haut Conseil des Finances Publiques doit nous alerter, considérant que la soutenabilité à moyen terme de la dette publique appelle à la plus grande vigilance. 

Considérez-vous qu’il y ait une singularité française à cet égard ? 

Au-delà de son niveau, la question de la détention nous paraît centrale. La dette française est détenue pour moitié par l’étranger. D’après le FMI, ce taux est de 29 % aux États-Unis, 28 % au Royaume-Uni et seulement de 15 % au Japon. Il s’agit ici d’une question centrale de souveraineté à laquelle le secteur de l’assurance apporte une contribution depuis de très nombreuses années. 

 

Graphique : Détention étrangères d’obligations du Trésor par pays (en % du total, source FMI

Quel est votre diagnostic sur le niveau actuel de la dette publique ? 

Le niveau actuel de la dette publique ne pose pas de problèmes particuliers en raison des banquiers centraux qui, par leurs actions, maintiennent un niveau de taux d’intérêt bas et, en corollaire, un service de la dette contenu. 

Ce niveau est ainsi soutenable dès lors que la croissance reste supérieure au taux d’intérêt. Pour autant, il porte en germe une vulnérabilité de notre économie en cas de remontée rapide des taux. 

Cette perspective de remontée des taux n’est pas à occulter en raison de la poussée inflationniste que nous observons actuellement, des deux côtés de l’Atlantique. 

Certains jugent qu’il faut l’annuler, d’autres la rembourser au plus vite pour ne pas la laisser aux générations futures : quel est votre point de vue ? 

Annuler nous ferait entrer en terra incognita avec notamment une perte de confiance aux conséquences massives et pour longtemps. Rappelons que cette dette constitue une part importante du patrimoine des Français, toutes catégories sociales confondues, détenue notamment via une assurance vie. 

La rembourser au bon rythme, oui. En donnant de la visibilité sur une trajectoire à la fois crédible et soutenable, qui ne mettrait donc pas en péril la vigueur de la reprise que nous connaissons. 


Interview de Benoit Cœuré aux Echos 

« Si on annule une fois les créances des banques centrales sur les États, il est inévitable qu'on le refera à nouveau. Cet engrenage est malsain, il revient à faire des banques centrales le bras armé de la politique budgétaire. Cela conduira à long terme à plus d'inflation et à une perte de confiance dans la monnaie » 

Audition de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, devant la Commission des finances du Sénat 

« L’annulation de la dette publique détenue par la BCE et la Banque de France reviendrait à financer directement les États, ce qui est interdit par le « pacte de confiance » fondateur de l’euro dans lesquels la France s’est engagée. En l’absence de consensus pour modifier ces traités, vouloir annuler les dettes signifierait quitter l’euro : il faut le dire. »


Y a-t-il de bonnes ou de mauvaises dettes ? 

À l’évidence, une bonne dette est celle qui accroit notre potentiel de croissance et/ou qui diminue notre empreinte environnementale. 
C’est également celle que nous serons en capacité de rembourser demain. 

Quelle est, selon vous, la bonne approche d’une stratégie de désendettement de notre pays pour une soutenabilité optimale par l’opinion ? 

Il est nécessaire de privilégier une croissance élevée en contrôlant l’évolution des finances publiques, principalement celle des dépenses en raison d’un niveau de prélèvement obligatoire déjà particulièrement élevé en France. 

Au sujet de la croissance, les assureurs jouent un rôle clair pour accroître le soutien au financement de l’économie productive, soutien accru depuis le début de la crise (Programme Relance Durable, Fonds Relance, Prêts Participatifs Relance, Obligations Relance, etc.). 

Faut-il, par exemple, prévoir une révision des périmètres d'intervention respectifs de la Sécurité sociale et des complémentaires ? 

Notre système de santé est au cœur des préoccupations des Français et son avenir fait actuellement l’objet de débats politiques comme vous le savez. 

La Fédération Française de l’Assurance, qui regroupe près de 100 assureurs santé représentant plus du tiers du marché de la complémentaire santé, a rendu public un livre blanc mi-octobre. 

Nous avons formulé 5 propositions qui ont pour but de répondre aux attentes de nos concitoyens, notamment en matière d’innovation et de personnalisation des services en santé, et d’aboutir à une meilleure prise en charge par les assureurs en renforçant leur capacité à intervenir efficacement aux côtés de la Sécurité sociale. 

Le scenario dit de la « Grande Sécu » aurait pour sa part un impact fort sur les finances publiques. 

Quelles sont les conditions du retour à la confiance des Français dans leur économie ? 

La confiance dans l’économie dépend de la capacité de celle-ci à offrir des emplois avec des rémunérations permettant de couvrir les besoins et à assurer leur sécurité. 

Pour cela, il faut favoriser une croissance soutenue et durable, par exemple en assurant la stabilité de l’environnement fiscalo-social dans lequel évoluent tous les Français. 

L’assurance a également un rôle à jouer. Double. Outre la protection des Français face aux évènements du quotidien ou aux difficultés de la vie comme la dépendance liée à l’âge ou à la maladie, l’assurance finance et soutient l’économie productive. 

Tout en maintenant la confiance des pays partenaires envers la France ? 

Tout ce que je viens de dire ne peut qu’alimenter la confiance des pays partenaires envers la France.