Aller au contenu principal
Claude Crampes et Jean-Michel Trochet : L'électricité a-t-elle un bel avenir ?
LE CLIMAT

Claude Crampes et Jean-Michel Trochet : L'électricité a-t-elle un bel avenir ?

3min
#LE CLIMAT Analyses

Comment le secteur de l’énergie sera-t-il affecté par les progrès du stockage de l’électricité ? Claude Crampes, professeur émérite à la Toulouse School of Economics, et Jean-Michel Trochet, économiste chez EDF, font le point sur les technologies et les services actuellement disponibles. Ils soulignent l’intérêt du stockage dans des systèmes utilisant des sources à faible teneur en carbone et à faible coût variable, comme le nucléaire et les énergies renouvelables.

Depuis le début des années 2000, l’éventail des technologies de stockage disponibles s’est élargi avec l’utilisation de batteries lithium-ion (Li-ion) dans les téléphones mobiles et autres appareils portables, dans les voitures électriques et, plus récemment, pour un usage stationnaire. D’autres technologies moins matures comprennent les batteries sodium-soufre, les volants d’inertie, les batteries à flux redox, le stockage de l’air comprimé, les batteries métal-air, les supercondensateurs, le stockage de l’électricité thermique pompée et le stockage de l’énergie liquide-air. L’hydrogène produit par électrolyse, stocké, puis réutilisé pour l’électricité est également une solution potentielle. Parallèlement, le déploiement de l’énergie éolienne et de l’énergie solaire photovoltaïque (PV) a créé de nouvelles possibilités et exigences pour le stockage de l’électricité à faible coût, qui s’ajoutent à celles déjà fournies par l’énergie nucléaire et l’énergie hydraulique.

Analyse coûts-avantages. De nombreux économistes s’intéressent à l’analyse de la combinaison d’électricité provenant du stockage et des énergies renouvelables variables (énergie éolienne et solaire PV) pour lisser les injections intermittentes de puissance. Cependant, les analyses de programmation à court terme et d’investissement à long terme sont à la fois plus récentes et plus complexes pour le stockage que pour les combustibles fossiles.

 

Les technologies de stockage actuelles permettent de réaliser des économies potentielles sur les coûts des centrales à combustibles fossiles. Cela signifie que les technologies de stockage peuvent également réduire les émissions de CO2.

 

Claude Crampes et Jean-Michel Trochet visent à poser les bases d’une analyse coûtsavantages unifiée du stockage de l’électricité. Le fonctionnement optimal d’une ressource limitée stockée - comme le pétrole, l’hydroélectricité dans les barrages ou le CO2 dans l’atmosphère - est bien documenté. En s’appuyant sur cette littérature, les chercheurs déterminent la programmation optimale  d’une installation de stockage dans un système de production d’électricité. Il en résulte un bénéfice brut à court terme pour l’installation. Ils déterminent ensuite le dimensionnement optimal de l’installation de stockage qui maximise le profit à long terme.

Les chercheurs examinent également la relation entre la taille de l’installation de stockage et la taille du système de production d’électricité. Ils s’intéressent en particulier aux économies que le stockage pourrait permettre de réaliser dans les centrales à charge de pointe et à charge moyenne. Cela suppose un système nécessitant des investissements dans des centrales de production à charge de pointe et à demi-charge. La surcapacité, telle qu’elle a été observée en Europe continentale ces dernières années, réduit considérablement les avantages du stockage.

Durée des charges et des décharges. Avec des temps de charge et de décharge différents, les technologies de stockage peuvent fournir des services différents. Les systèmes de stockage hydroélectrique par pompage sont principalement conçus pour des transferts d’énergie sur plusieurs jours et semaines, mais ils peuvent également assurer un contrôle de la fréquence.

Les batteries acide-plomb sont couramment utilisées pour fournir une alimentation électrique ininterrompue (UPS). Elles sont maintenant rejointes par des batteries Li-ion et des volants d’inertie.

 

L’utilisation du nucléaire et des énergies renouvelables avec stockage pour éliminer les centrales à gaz n’est toujours pas rentable. Cela pourrait changer avec une taxe carbone élevée, une percée technologique ou un changement de comportement des consommateurs.

 

Plus récemment, des modifications de la réglementation fédérale américaine sur les marchés de gros de l’électricité ont favorisé le contrôle de la fréquence par des batteries et des volants d’inertie.

Plus récemment encore, ils sont entrés sur les marchés de transfert d’énergie intrajournalier, principalement sur des mini-réseaux dans des régions éloignées. Les volants d’inertie ont permis de fournir des onduleurs et, plus récemment, un contrôle de la fréquence, mais ils restent peu rentables pour les transferts d’énergie.

Points clés. L’article de Claude Crampes et Jean-Michel Trochet analyse les coûts et les avantages des technologies de stockage qui fournissent toute une série de services différents au système électrique. En particulier, ils identifient le rôle des durées de décharge et de charge comme une mesure clé pour segmenter les technologies et les services de stockage. Leur analyse met en évidence les points suivants :

- Avec les techniques de base de budgétisation des investissements, nous pouvons déterminer le fonctionnement optimal des équipements de stockage caractérisés par leurs durées de charge et de décharge ; et la taille optimale des équipements à installer.

- Les durées de charge et de décharge peuvent être utilisées pour déterminer à la fois la combinaison optimale de plusieurs technologies de stockage et la combinaison optimale d’équipements de production et de stockage.

- Les technologies de stockage actuelles permettent de réaliser des économies potentielles sur les coûts de combustible pour les installations à charge de pointe et à charge moyenne. Comme la plupart des centrales à charge de pointe et à charge moyenne sont des centrales à combustibles fossiles, cela signifie que les technologies de stockage peuvent également réduire les émissions de CO2.

- Toutes les technologies de stockage sont encore si coûteuses que la substituabilité pour le développement des centrales à charge de pointe et à charge moyenne est partielle. Cela signifie que le développement du nucléaire et des énergies renouvelables associé au stockage pour éliminer les centrales à gaz n’est pas rentable aujourd’hui. Cela pourrait changer avec une taxe carbone très élevée, une percée technologique ou un changement de comportement des consommateurs.

 

Le stockage offre une prime puisqu’il permet aux fournisseurs d’électricité de répondre à une demande inattendue sans modifier le processus de production.

 

À l’appui de ce dernier point, des études sur les combinaisons possibles d’électricité décarbonée en 2050 montrent un rôle croissant pour le stockage. Les centrales à combustibles fossiles sont reléguées à un rôle de sécurité d’approvisionnement, utilisées en moyenne et en pointe.

Les recherches à venir. En ajoutant l’incertitude liée à la demande et aux énergies renouvelables à l’analyse des chercheurs, on montrerait le rôle du stockage comme un dispositif d’assurance, et non pas seulement comme un tampon. Le stockage offre une prime puisqu’il permet aux fournisseurs d’électricité de répondre à une demande inattendue sans modifier le processus de production. Comme la demande de flexibilité ne cesse de croître, l’analyse de Claude Crampes et Jean-Michel Trochet pourrait également s’appliquer aux utilisations finales courantes de l’électricité, telles que le chauffage de l’eau à partir d’électricité directe ou de pompes à chaleur, la climatisation, les processus de chauffage ou de refroidissement de l’air par « inertie », le lavage du linge, ainsi que la charge et la décharge des voitures électriques.

 

Pour en savoir plus

« Economics of stationary electricity storage with various charge and discharge durations » et les recherches de Claude Crampes sur tse-fr.eu/people/claudecrampes

Sur le même thème