La chercheuse à la Toulouse School of Economics et directeur de recherche en économie à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), observe que les taxes ne permettent pas de réduire la consommation de viande.
La directrice de recherche à l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) au sein de la Toulouse School of Economics analyse pourquoi il faut combiner de nombreuses mesures pour espérer avoir des effets significatifs.
En Europe, on estime que la consommation alimentaire contribue entre 15% et 28% aux émissions de gaz à effet de serre. Principale responsable de cet impact, la viande de ruminants a des émissions plus élevées que la viande de porc ou de poulet. Le type de système de production affecte également l’impact environnemental. En effet, les systèmes de production extensifs peuvent générer par unité de production des émissions de gaz à effet de serre plus élevées bien que le pâturage aide à la séquestration du carbone.
La consommation de produits animaux a aussi des implications sur l’utilisation des terres et de l’eau, et la production d’alimentation pour animaux utilise 35% des ressources des terres et 20% des ressources en eau potable. L’élevage entraine aussi d’autres effets indirects sur l’environnement : dégradation des sols, pollution de l’air, des eaux et des sols, perte de biodiversité, déforestation.
L’approche standard en économie recommande de réguler au niveau du pollueur, avec le célèbre « principe du pollueur-payeur ». Cependant, dans le cas de l’alimentation, la littérature montre qu’il serait plus simple, plus efficace et plus équitable pour la filière agroalimentaire de réguler la consommation plutôt que la production. En effet, cela évite toute problématique de mesure des différentes pollutions au niveau des fermes (impact carbone, eutrophisation, acidification, utilisation des terres, utilisation de l’eau, perte de biodiversité), et un désavantage de la production domestique par rapport aux importations non régulées.
Les études montrent qu’il est difficile de modifier les comportements alimentaires des individus et notamment la consommation de viande.
Il existe trois différents types d’instruments de régulation : les politiques fiscales, les instruments d’information et d’éducation et les instruments comportementaux tels que les nudges. Mes recherches se sont particulièrement focalisées sur les instruments fiscaux. Elles montrent qu’un haut niveau de taxe carbone (200€/ tonne de CO2 équivalent) sur les produits animaux impliquerait une augmentation des prix des produits animaux de 7 à 40% en fonction du type et du morceau de viande.
Cette augmentation des prix permettrait de réduire de 6% les émissions de gaz à effet de serre des achats de produits animaux. Les instruments fiscaux ne seront donc pas suffisants pour atteindre les objectifs européens de réduction de 30% en 2030 par rapport à 2005. Ils devront être combinés avec d’autres outils.
Les politiques d’information et d’éducation permettent de réduire l’asymétrie d’information entre les producteurs et les consommateurs sur la qualité des produits, les conditions d’élevage ou encore l’impact environnemental. Cependant, les consommateurs doivent être prêts à payer pour ces attributs du produit. La littérature économique montre que si la qualité est un critère important pour les consommateurs et que certains d’entre eux sont prêts à payer davantage, les préoccupations environnementales arrivent bien après.
La viande est perçue comme un bien normal et nécessaire de consommation. Elle fait partie de la norme de l’alimentation traditionnelle.
Les études jusqu’ici montrent qu’il est difficile de modifier les comportements alimentaires des individus et notamment la consommation de viande. En effet, la viande est perçue comme un bien normal et nécessaire de consommation. Elle fait partie de la norme de l’alimentation traditionnelle.
Enfin, les instruments comportementaux permettent de changer les habitudes et les normes de consommation progressivement. Une initiative à noter en France est celle du Lundi Vert. Celleci prône le lundi sans viande ni poisson, permettant ainsi à une transition simple et progressive vers des repas impactant moins l’environnement. Des expériences ont aussi été réalisées sur l’ordre des menus dans un restaurant. Elles montrent que lorsque les menus végétariens sont placés en premier, leur choix est plus important.
La réduction de la consommation de la viande est l’un des défis majeurs des prochaines décennies pour les pays développés dans la lutte contre le changement climatique. Les pouvoirs publics devront se pencher sur la régulation du secteur tout en accompagnant les acteurs de la filière vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement, mais le problème est loin d’être simple à régler et il faudra combiner de nombreuses mesures pour espérer avoir des effets significatifs.