La présidente-directrice générale de La Française des Jeux (FDJ) revient sur les étapes clefs et les objectifs de la privatisation du Groupe. En rappelant sa raison d’être : « Le jeu est notre métier, la contribution à la société notre moteur et la responsabilité notre exigence », Stéphane Pallez souligne l’importance de l’association des salariés à la réussite économique de l’entreprise et détaille le système de partage de la valeur économique mis en place à la FDJ.
SOCIÉTAL.- Considérée comme une réussite, la FDJ a été la grande privatisation du quinquennat écoulé. Pouvez-vous nous rappeler les étapes clés et les objectifs de sa privatisation ?
Stéphane Pallez.- Le gouvernement avait la volonté de céder d’importants actifs en portefeuille pour investir sur l’innovation. Cette orientation s’est concrétisée dans la loi Pacte du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises qui prévoyait la privatisation d’Aéroports de Paris, d’Engie et de La Française des Jeux (FDJ).
Pour l’Etat, il s’agissait tout à la fois de relancer l’épargne populaire, de contribuer au rayonnement de la place financière de Paris, d’alimenter un fonds dédié à l’innovation doté de 10 milliards d’euros et de moderniser la régulation des jeux d’argent. Bruno le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, indiquait ainsi : « Nous souhaitons que cette opération soit un succès populaire et que le plus grand nombre de Français puissent y participer. La Française des Jeux est une entreprise nationale presque centenaire, elle fait partie de notre patrimoine national, elle doit faire partie du patrimoine des Français. »
Pour FDJ, c’était un aboutissement du plan de transformation de l’entreprise engagé depuis plusieurs années dans le cadre de son plan stratégique 2015-2020, mais surtout un accélérateur pour sa stratégie future. Techniquement, le défi était de taille car il s’agissait d’une privatisation par la voie d’une introduction en Bourse. Les vents contraires étaient nombreux : incertitude sur la demande des particuliers, très faible participation à ce type d’opérations depuis la crise de 2008 opinions politiques et couverture médiatique parfois défavorables… Pourtant la bonne préparation de l’entreprise a permis une exécution très rapide et sans faille et celle-ci a pu être effectuée en novembre 2019 avec un grand succès. Au total, elle aura été la plus grande privatisation et entrée en Bourse en France depuis quinze ans et la plus importante aussi de l’histoire dans le secteur de la loterie.
La réussite a été exceptionnelle au global et sur chacune des tranches destinées aux institutionnels, aux particuliers et aux salariés. Une stratégie de pré marketing et de marketing bien ciblée auprès des investisseurs institutionnels a permis d’en séduire nombre de premier plan, français et internationaux, avec une demande qui a représenté neuf fois le montant alloué. Le principal objectif était cependant de séduire les actionnaires individuels. Appuyée par une campagne de communication grand public, mettant en valeur la fidélité aux origines et le dynamisme de l’entreprise, l’opération a été un immense succès populaire avec plus de cinq cent mille actionnaires individuels dont la plupart étaient des primo accédants. À tel point que l’Etat a dû limiter le nombre d’actions par acheteur afin que le plus grand nombre puisse en bénéficier. Grand succès aussi auprès des salariés qui ont souscrit à 90 %.
À l’issue de cette privatisation, l’Etat a conservé in fine 20% du capital, les actionnaires historiques (l’Union des Blessés de la Face et de la Tête, la Fédération Maginot) ont renforcé leur place (15%) aux côtés des salariés (4%) et des buralistes (2%), tandis que le flottant (institutionnels et actionnaires individuels) atteint près de 50%.
Quelle valeur cette évolution du capital a-t-elle produite ?
Cette privatisation par voie d’introduction en Bourse, accompagnée d’un nouveau cadre réglementaire et fiscal, et de la sécurisation de nos droits exclusifs pour vingt-cinq ans dans le cadre de la loi Pacte, nous donne un socle clair et solide pour notre stratégie de transformation et de développement. Parmi nos facteurs clés de performance, je citerais : la solidité financière, une capacité d’investissement confirmée, une gouvernance d’entreprise renouvelée, un éco système d’innovation dynamique, un réseau de commerçants partenaires modernisé, le déploiement du canal digital, et enfin, le rayonnement de la marque FDJ en France auprès du grand public. En outre, le développement de nouvelles activités à l’international, en qualité de prestataire de service « B to B » auprès des intervenants du secteur des jeux dans des pays tels que la Suisse, le Portugal ou le Canada a permis d’élargir notre champ de création de valeur. La valeur en Bourse de l’entreprise s’est appréciée, au 31 décembre 2021, de 96 % depuis son entrée en Bourse.
La crise du Covid-19 est malheureusement intervenue peu de temps après la privatisation et la mise en place de ce nouveau modèle de croissance. Mais on peut constater que la réactivité de l’entreprise et la pertinence de notre stratégie ont été confirmées. L’année 2021 a marqué le retour de FDJ sur sa trajectoire de croissance d’avant la crise sanitaire pour l’ensemble de ses activités. Les performances réalisées sur cette année nous ont conduits à revoir à la hausse les objectifs 2025 communiqués lors de l’introduction en Bourse. Les performances financières de FDJ seront au rendez-vous et nous intensifierons encore nos engagements extra-financiers au bénéfice de l’ensemble de nos parties prenantes. Nous entamons donc 2022 avec confiance.
Quelle est la raison d’être de FDJ ? Comment s’inscrit-elle dans cette trajectoire de création de richesse ?
Héritière de la Loterie nationale lancée en 1933 en soutien du monde combattant, FDJ est une entreprise nativement solidaire. Elle a toujours apporté une forte contribution à la société française. L’idée que la valeur créée doit être redistribuée a fondé son modèle. C’est donc dans les racines de son histoire que la contribution de La Française des Jeux à l’intérêt général puise son origine et, aujourd’hui encore, guide son action au quotidien.
La possibilité de se doter d’une raison d’être était inscrite dans la loi Pacte. Ainsi, parallèlement à la préparation de son introduction en Bourse, FDJ, dans une démarche de co-construction rassemblant largement ses parties prenantes internes et externes, a formalisé sa raison d’être dans le triptyque : « Le jeu est notre métier, la contribution à la société notre moteur et la responsabilité notre exigence ». Adoptée lors de notre première assemblée générale le 18 juin 2020, elle est inscrite dans nos statuts et confirme notre détermination à continuer d’allier performance, responsabilité et utilité sociétale : c’est notre marque de fabrique.
Cet héritage s’incarne dans la participation du Groupe au financement de l’intérêt général, via des prélèvements publics sur les jeux bien sûr (3,8 milliards d’euros en 2021), mais également par nombre d’actions sociétales et solidaires menées en propre par FDJ. J’en donnerais trois exemples :
- Le sport sur lequel le Groupe est engagé aux côtés de l’Agence nationale du sport (ANS) depuis quarante ans. Le soutien au sport pour tous, par l’aide apportée à des clubs amateurs sur tout le territoire ou par la participation à la rénovation d’équipements sportifs, représente 6 milliards d’euros. Et FDJ est « Partenaire officiel » des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
- Le patrimoine français en péril est une autre grande cause pour FDJ via les jeux Mission Patrimoine. Depuis 2018, ce sont plus de 100 millions d’euros qui ont été collectés au profit de la Fondation du Patrimoine. Parmi les 645 projets sélectionnés depuis 2018 par la Mission Patrimoine, 156 sites ont d’ores et déjà été restaurés 207 sont en cours de restauration.
- L’égalité des chances pour laquelle la Fondation d’entreprise FDJ a alloué près de 20 millions d’euros à quatre cents associations et, plus récemment, à des initiatives destinées à la jeunesse touchée par la crise sanitaire.
Cette contribution s’incarne aussi dans l’ancrage local de FDJ et de forts engagements vis-à-vis des territoires. En France, nous comptons plus de 30 000 commerçants partenaires qui distribuent nos jeux et services. Avec plus de 21 000 emplois créés ou pérennisés dans la filière bar-tabac-presse, nous sommes un partenaire majeur du commerce de proximité :
Pour animer cette raison d’être, nous croyons au dialogue avec nos parties prenantes. S’ouvrir à un regard extérieur, accepter la remise en cause, c’est essentiel. Cela nous permet d’échanger autour des actions que nous développons pour faire vivre notre raison d’être, de relayer les attentes de la société civile et de recueillir des suggestions d’amélioration. Un Comité des Parties prenantes, créé fin 2020, a ainsi pour objectif de nous stimuler, sans complaisance, sur la mise en œuvre concrète de nos engagements.
Cette culture d’ouverture sur la société civile remonte à une dizaine d’années. Lorsque nous élaborons un nouveau jeu ou une nouvelle version d’un jeu, nous consultons un Comité d’experts Jeu responsable composé d’addictologues et d’experts en sciences humaines. FDJ s’est également doté d’un Laboratoire sociétal qui rassemble des associations avec lequel nous élaborons des actions pour renforcer notre politique RSE, en particulier pour prévenir le jeu excessif.
Comment définiriez-vous le terme « création de richesse » ? En général et plus particulièrement pour FDJ ?
La richesse créée représente pour une entreprise l’ensemble de la valeur produite. Une valeur qui se répartit entre ses fournisseurs, ses salariés, ses créanciers, ses actionnaires, ainsi que l’Etat et les collectivités locales au titre de l’impôt. Il ne faut pas confondre la création de richesse avec la création de valeur ajoutée qui représente ce qu’il reste après qu’une entreprise a honoré tous ses engagements. Et c’est grâce à cette valeur ajoutée que l’entreprise peut investir davantage, mieux rémunérer ses salariés et ses actionnaires dans la durée.
À La Française des Jeux, nous pensons que la création de richesse n’est pas seulement économique et financière mais aussi humaine. A ce titre, nous considérons que l’investissement dans le capital humain et l’association des salariés aux résultats de l’entreprise est primordiale. Pour cela nous avons fait le choix de mettre en place tous les leviers qui participent à un meilleur partage de la valeur. Avec l’intéressement et la participation nous pouvons redistribuer à certains de nos salariés jusqu’à 24 % de leur salaire de base.
L’an dernier sur la seule participation, nous avons versé 25 millions d’euros à nos deux mille sept cents salariés, soit un niveau de participation trois fois supérieur à celui de la moyenne nationale. Ce sont des montants qui à l’échelle individuelle sont extrêmement significatifs. Dans certains cas nos collaborateurs peuvent aller jusqu’à un quinzième mois de salaire grâce aux dispositifs mis en place.
Mais notre impact économique et social va au-delà. Nous jouons un rôle très significatif dans le dynamisme du tissu économique des territoires grâce à notre réseau exceptionnel de proximité. A cette fin, nous accompagnons nos points de vente dans la diversification et la modernisation de leur offre, et nous nous engageons également sur le long terme pour que nos détaillants puissent se développer économiquement. Par exemple, nous avons créé il y a deux ans un nouveau service de paiement des factures de services publics locaux (crèche, cantine…), amendes ou impôts dans les points de vente du réseau FDJ. Et nous prévoyons d’étendre prochainement ces services de paiement de proximité.
De même, en partenariat avec BPI France nous avons participé, en 2021, à la création et au financement du fonds Rebonds, à hauteur de 15 millions d’euros, destiné à soutenir le commerce de proximité par le biais de prêts participatifs.
Quels sont les prochains défis de création de valeur et de redistribution pour la FDJ ?
Notre ambition, c’est de poursuivre une croissance régulière et responsable pour l’ensemble de nos activités. Pour cela il nous faut relever trois grands défis. Tout d’abord, offrir à nos clients une expérience de jeu complète et fluide ; ensuite, investir dans nos offres de jeux sur les différents canaux de distribution, tout en renforçant notre politique de jeu responsable ; enfin, accélérer la diversification de nos activités pour rendre notre modèle d’affaires encore plus durable. Nous continuerons de rechercher l’alliance des performances financières et engagements extra-financiers au bénéfice de l’ensemble de nos parties prenantes. Et cela sans oublier de porter une attention grandissante à l’impact de nos activités sur l’environnement autour de deux axes principaux : la réduction de notre empreinte carbone et la préservation de la biodiversité.