Le 19 octobre 2020, Sociétal a eu l’honneur de recevoir Baudoin Roger à l’Institut de France. Au regard des contraintes sanitaires, nous étions six dans la grande salle de Séances et près de 400 participants via zoom et le Facebook Live que j’animais dans le cadre du partenariat qui lie Sociétal et Newpolis, l’association de grandes écoles et universités que j’ai co-créée.
Baudoin Roger est co-directeur du département de Recherche, Économie, Homme et Société au Collège des Bernardins, un espace de dialogue et de recherche qui souhaite contribuer aux grands débats sociétaux, dans une démarche scientifique et apolitique.
Fort de sa triple expérience de chercheur, cadre dirigeant et prêtre, il a présenté ses recherches sur la gouvernance et la raison d’être des entreprises ainsi que la portée de la Loi Pacte en France.
L’émergence du concept de raison d’être
Baudoin Roger présente l’histoire et l’émergence du concept de raison d’être. Pour cela, il définit 3 grandes phrases du capitalisme contemporain, sous l’angle des rapports entre les parties prenantes des sociétés (direction - actionnariat - salariat) théorisés par les rapports successifs du Business Roundtable, une organisation patronale américaine, sur la Corporate governance.
La première phrase (des années 60 aux années 80) se caractérise par la prévalence des actionnaires sur les dirigeants de l’entreprise, à travers des mécanismes de contrôle étroits et la facilité à déclencher des OPA sur des sociétés jugées sous-optimales. Dans un contexte économique difficile pour les États-Unis, en proie à une forte concurrence japonaise, la prééminence actionnariale est sensée garantir une meilleure allocation des ressources, malgré la forte résistance du patronat.
A la fin des années 80, une nouvelle phase du capitalisme débute puisque le patronat endosse la primauté actionnariale. Le pouvoir de la direction s’exerce envers les actionnaires et la valeur boursière est perçue comme un indicateur optimal de la performance des agents, en vertu de l’efficience supposée des marchés. A la fin des années 90, le capitalisme actionnarial ou financier succède au capitalisme managérial, engendrant des crises boursières et des tensions sociales : les salariés estiment que les intérêts des dirigeants ne sont pas alignés avec les leurs.
La période actuelle consacre l’émergence d’une gouvernance plus équilibrée entre les parties prenantes. Dans son dernier rapport annuel de 2019, la Business Roundtable énonce que les sociétés partagent désormais un engagement envers toutes les parties : clients, employés, fournisseurs, communautés et actionnaires. C’est dans ce cadre que la notion de raison d’être s’est affirmée.
La Loi Pacte : portée et retombées
Le Rapport Sénart puis la Loi Pacte du 22 mai 2019 permettent aux entreprises d’adopter une raison d’être. Celle-ci est désormais vue comme un texte fondamental de l’entreprise qui précise son projet, son ambition, ses valeurs et son « pourquoi » (purpose en anglais). Intégrée dans les statuts, la raison d’être dispose d’une véritable portée juridique, et non plus seulement déclarative. Elle s’inscrit aussi dans le temps long puisque son adoption est conditionnée au vote de l’Assemblée générale.
Baudoin Roger définit les conditions nécessaires à la réussite de la raison d’être. Afin d’être une référence effective et partagée par toutes les parties, elle doit associer les salariés et non les seules instances dirigeantes. Elle doit également énoncer les conséquences de son existence sur les parties prenantes : engagements, indicateurs, incitations…
En outre, plusieurs facteurs peuvent renforcer son efficience juridique :
- Les administrateurs des entreprises doivent se considérer comme les responsables d’un projet et non les agents des actionnaires.
- Le travail doit être vu comme une ressource et non plus comme un facteur de coût substituable, associé à de la pénibilité.
- L’entreprise doit être perçue comme un lieu du collectif, un lieu d’apprentissage et un terreau de valeurs communes.
Ainsi, Baudoin Roger nous livre un magnifique plaidoyer en faveur d’un management plus inclusif qui responsabilise le collectif et associe les salariés à la direction de l’entreprise. En outre, refusant toute téléologie de l’histoire, il nous invite à l’audace et à la production de nouvelles idées : loin d’être figée, l’histoire est le résultat d’idées dominantes qui évoluent. Enfin, il nous incite à dépasser la Loi Pacte en prenant en compte les enjeux environnementaux.

Louis Lalanne, Président de Newpolis et Meet My Mentor
Lancé en 2017, l'association Newpolis est le premier forum en ligne rassemblant plus de 500 étudiants de grandes universités mondiales (Columbia, Berkeley, McGill, Cambridge, King’s College, Sciences Po, HEC et Centrale Paris, MGIMO, Université de Jordanie etc...) pour appréhender les affaires internationales.
Meet My Mentor, est créée en 2020. C'est une plateforme de masterclasses en ligne animées par des dirigeants inspirants : entrepreneurs, sportifs, chefs cuisiniers, écrivains, militaires...