Le numérique responsable, un puissant levier au bénéfice de la sobriété énergétique

Le 10 novembre 2022 |
Alors qu’en France le numérique pèse pour 10% de la consommation d’électricité globale, la responsabilisation de son utilisation pourrait contribuer au nécessaire effort de sobriété énergétique demandé par le gouvernement, notamment vis-à-vis des entreprises. Concrètement, comment ces dernières peuvent-elles agir ? Et par où commencer ?

Les DSI en première ligne

Dans un contexte géopolitique et énergétique tendus, les entreprises doivent formuler leur plan de sobriété énergétique. Certes moins énergivore que le transport ou le chauffage, le poids énergétique du numérique n’est toutefois plus anecdotique : la consommation qui lui est liée n’a cessé de progresser jusqu’à peser, aujourd’hui, 10% de la consommation d’électricité globale en France. C’est pourquoi, le numérique responsable constitue un levier de choix pour davantage de sobriété énergétique.

Concrètement, la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de numérique responsable vise à éviter, réduire ou compenser les impacts négatifs du numérique, qu’ils soient écologiques, sociaux ou financiers, et ce tout au long du cycle de vie des dispositifs du système d’information. Pour lancer les plans d’actions nécessaires à la maitrise de la consommation énergétique de leur parc informatique, les entreprises et particulièrement les DSI ont avant tout besoin de connaître l’impact des activités de leurs parties prenantes internes (fonctions support et métiers) et externes (fournisseurs).

Bilan énergétique et analyse de maturité : le point de départ pour un numérique plus responsable

La mesure de la consommation énergétique est une étape indispensable pour identifier les principaux leviers d’action et piloter les impacts des initiatives lancées. Or, et souvent faute d’outils fiables, les entreprises sont nombreuses à rencontrer des difficultés pour mesurer avec précision la consommation énergétique de leur parc. En effet, les bases de données de référence ne sont pas toujours exhaustives et les méthodes de mesure d’impact énergétique du SI ne sont pas définies de manière unanime ni toutes parfaitement abouties à date. Alors comment s’y prendre ?

Se baser sur un référentiel existant et reconnu

Pour avoir un point de départ, il apparaît pertinent de recourir à des référentiels existants et reconnus comme ceux de l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) ou du Shift Project, en les partageant notamment avec les parties prenantes impliquées dans la transformation. Quelle que soit la méthodologie choisie, elle devra rester la même sur la durée afin de garantir la comparabilité des données collectées et mises en perspective.

Pousser l’analyse avec le calcul du scope 3

Une analyse complète du cycle de vie des appareils informatiques est essentielle pour évaluer en profondeur leur impact. Si les actions portant sur l’utilisation des appareils (bureautique, data centers, réseaux) sont très accessibles pour les entreprises et peuvent représenter une part importante de la consommation énergétique, d’autres dimensions sont à prendre en compte. C’est pourquoi il convient d’intégrer le calcul du scope 3 représentant les impacts liés à l’acquisition et à la fin de vie de l’équipement, ainsi que l’emploi des services Cloud. Bien que ce calcul ne soit pas obligatoire, les postes principaux de la DSI relèvent souvent de ce scope et les leviers d’optimisation peuvent se faire en basculant d’un scope à l’autre.

Penser au quantitatif… et au qualitatif 

Au-delà de la mesure, il est important de mener une analyse qualitative de la maturité de l’organisation, à la fois auprès de la DSI et de ses bénéficiaires. Cela implique d’évaluer la manière dont sont intégrées les bonnes pratiques pour un numérique plus sobre en consommation énergétique. Les référentiels établis permettent entre autres de questionner :

  • La gouvernance Green IT en place, renforcée par la veille mise en place pour suivre les recommandations et la réglementation en vigueur,
  • La politique de gestion de l’énergie pour fixer et piloter des objectifs de maitrise énergétique ainsi que pour industrialiser les mécanismes de veille et d’arrêt des matériels informatiques,
  • La mise en œuvre des nouvelles solutions moins consommatrices en énergie (grid, cloud computing, machines virtuelles…),
  • Les actions de sensibilisation menées auprès des collaborateurs pour les aider à adopter des comportements plus responsables.

Une fois mises en perspective avec les enjeux RSE de l’entreprise, les analyses menées permettent d’élaborer une feuille de route à la fois cohérente, ambitieuse et réaliste pour optimiser la consommation énergétique du parc informatique. Portée par la DSI et soutenue par la direction de l’organisation, cette démarche doit être l’occasion d’embarquer dans le changement les directions métiers et support de façon transverse, en particulier celles utilisant le plus de ressources informatiques. 

Comment agir à court terme ?

En France, les équipements informatiques pèsent pour 68% de la consommation d’énergie totale du numérique, quand les data centers et les réseaux représentent respectivement 23% et 9% de cette dépense1. Il est aujourd’hui possible pour les entreprises d’agir sur chacun de ces volets.

Equipements informatiques

Parmi les bonnes pratiques pouvant être déployées rapidement figure en premier lieu la nécessaire sensibilisation des collaborateurs : éteindre son ordinateur quand il n’est pas utilisé, supprimer ses mails inutiles, éviter l’envoi de pièces jointes lourdes... Facile à mettre en place et peu couteuse, la sensibilisation doit néanmoins être régulièrement réactualisée pour porter ses fruits.

Autre piste, la politique de renouvellement des équipements informatiques de l’entreprise peut être revue, tout comme le paramétrage des appareils bureautiques (mise en veille, mise en veille prolongée et arrêts automatisés). Par exemple, programmer l’extinction des imprimantes la nuit et le week-end permet d’éviter des consommations inutiles d’énergie : cumulées à l’échelle d’une organisation, ces bons réflexes font la différence à la fin de l’année.

Serveurs, switches et réseaux

L’optimisation de la consommation énergétique des serveurs soulève pour sa part une question plus large de gestion des serveurs. Cette optimisation est pour l’heure encore très variable selon les entreprises puisqu’elle dépend de la maturité de la stratégie serveurs et des marges de manœuvre encore disponibles. Les améliorations possibles en la matière sont nombreuses : virtualisation des serveurs physiques, urbanisation de salles dédiées, ou encore mise en adéquation des besoins réels avec les infrastructures à mettre en place – avec des conséquences indirectes sur l’alimentation électrique et les besoins de refroidissement des appareils.

Ces réflexions sont les mêmes pour les switches et les réseaux, qui nécessitent dans de nombreux cas un fonctionnement en continu. La connaissance de leur niveau d’exploitation et de leurs usages est un prérequis pour en optimiser le fonctionnement via l’emploi des ports de switches – la concentration des ports pouvant être désactivée en dehors des horaires de travail.

Au-delà des aspects techniques, le numérique responsable est avant tout un projet de management de l’organisation. Il s’agit d’un changement d’approche profond allant de la prise de conscience des impacts du numérique à la mise en place d’actions testées sur un périmètre restreint avant d’être déployées à grande échelle. Comme pour tout projet de transformation, le numérique responsable nécessite un plan d’accompagnement au changement impulsé et soutenu par le plus haut niveau de l’entreprise ainsi qu’un plan de pilotage pour sa mise en œuvre concrète.

1 Rapport ADEME-Arcep « L'empreinte environnementale du numérique en France » (janvier 2022)

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