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Sociétal - Jean-Marc Daniel

Quiconque écoute un tant soit peu nos dirigeants, entend parler d’innovation presque chaque jour. Celle-ci fascine d’autant plus que, souvent, la vision que l’on en a est assez floue. Quoi qu’il en soit, qui dit « innovation » pense inévitablement à l’économiste Joseph Aloïs Schumpeter. Celui-ci distingue en particulier cinq types d’innovations (la production d’un nouveau bien ; la mise au point d’un nouveau procédé de fabrication qui se définit comme une innovation technologique ; l’ouverture de nouveaux marchés ; la conquête de nouvelles sources de matières premières ; les innovations organisationnelles), donnant de cette notion une vision à la fois large et concrète. Mais il ne fut pas le seul à théoriser l’innovation et à en constater le rôle essentiel.

Angus Maddison, qui consacra sa vie de chercheur au sein de l’OCDE à reconstituer les comptes des principales économies depuis… la naissance du Christ, tirait de ses recherches la conclusion suivante :

« Le progrès technique est le moteur essentiel de la croissance économique. S’il n’avait jamais existé, l’ensemble du processus d’accumulation du capital aurait été plus modeste ».

Paul Krugman, prix Nobel d’économie de 2008, bien que réputé proche des thèses qui considèrent que l’État et sa politique économique font la croissance, écrit dans un de ses livres sur la mondialisation :

« La productivité n'est pas tout, mais sur le long terme elle est presque tout. La capacité d'un pays à améliorer son niveau de vie sur le long terme dépend quasi entièrement de sa capacité à accroitre sa production par travailleur. »

En outre, Schumpeter a complété son panégyrique de l’innovation par l’apologie de l’entrepreneur. Pour lui, « entrepreneur » et « innovation » doivent être associés. Dans son « Que sais-je » de 1948 sur le capitalisme, François Perroux qui fut un des introducteurs de la pensée de Schumpeter en France, insiste sur le fait que tout chef d’entreprise n’est pas forcément un entrepreneur. Il écrit :

« Henry Ford n’est pas un entrepreneur dynamique lorsqu’en 1906, il devient chef d’une firme indépendante, mais bien lorsqu’en 1909, il lance une nouvelle voiture, le célèbre modèle T. A. Krupp n’est pas un entrepreneur dynamique  lorsqu’il exploite pour le compte de sa famille la modeste fonderie que lui a laissée son père, ni même lorsqu’en 1848, il devient avec son associé Soelling, définitivement propriétaire de l’usine ; il l’est lorsqu’il fabrique pour la première fois des cercles de roues sans soudure ».

Ce qu’il précise en écrivant :

« L’entrepreneur dynamique innove économiquement en faisant passer dans la réalité du marché l’innovation technique ».

Pour François Perroux, comme pour Schumpeter, l’entrepreneur est nécessairement un innovateur. Et Philippe Aghion qui occupe aujourd’hui au Collège de France la chaire qui fut celle de François Perroux, assume avec talent une forme de continuité dans la défense argumentée de l’innovation et de la « destruction créatrice » chères à Schumpeter.