Le président du MEDEF revient sur l’intérêt pour l’entreprise d’engager une réflexion de fond sur sa raison d’être, qui doit être collective et mûrie dans le temps. Un travail nécessaire pour être mieux armé face aux crises que nous traversons et au nouvel environnement mondial.
La crise sanitaire, par son ampleur sans précédent dans une économie mondialisée et la mise à l’arrêt de l’activité économique qu’elle a provoquée, nous a tous pris de court.
Après un temps de sidération collective, cette pandémie a obligé entreprises et pouvoirs publics à réagir en un temps record et à prendre des mesures hors normes pour sauver les entreprises, protéger leurs salariés, assurer la continuité des services de santé et l’approvisionnement des populations. Un an après le début de cette crise sanitaire, la pandémie a notamment mis au jour l’importance des valeurs et de deux en particulier : la confiance et la solidarité.
Les entreprises qui, en amont de la crise, avaient déjà engagé un travail sur leur gouvernance, leurs valeurs, leur mission au sein de la société et qui ont su capitaliser sur leur écosystème paraissent mieux armées que les autres pour rebondir et s’adapter au nouvel environnement mondial. La robustesse d’une organisation s’apprécie notamment à sa capacité à traverser la tempête.
Cette crise agit comme un révélateur de la nécessité pour toutes les entreprises, quelles que soient leur taille ou la composition de leur capital, de fonctionner selon les règles de base d’une bonne gouvernance : un équilibre des pouvoirs, une diversité des membres du conseil d’administration et du management, des compétences, une intégration des dimensions relatives à la transition énergétique et à la transformation numérique.
Au-delà de sa création, la raison d’être est un élément vivant. Que l’entreprise ait choisi de l’inscrire ou non dans les statuts, il est important de continuer à en alimenter la substance car l’entreprise elle-même se nourrit de la raison d’être. Il faut s’y sentir lié !
Cette crise a également rappelé que faire front ensemble peut être un formidable accélérateur. À notre époque, une entreprise ne se suffit pas à elle-même, elle doit parvenir à fédérer pour progresser car la réussite s’accomplit d’abord en équipe. L’entreprise a une responsabilité plus large qui va au-delà de sa seule survie, sa santé économique est étroitement liée à celle des autres. Il est difficile de développer ses activités si son écosystème est enrayé.
Les attentes de la société civile sont d’ailleurs très fortes en ce domaine. Pour autant, il serait stérile d’opposer l’entreprise responsable au sens de la loi PACTE et rentabilité. Une entreprise ne peut être utile à la communauté, si elle est en difficulté, le défi à relever pour les chefs d’entreprise consiste à rendre compatibles ces deux objectifs.
Nous évoluons dans un monde où la sensibilité des citoyens est plus que jamais axée sur le caractère concret des engagements pris, ainsi que sur le respect de ceux-ci. Les consommateurs ont des exigences et les talents refusent désormais de rejoindre une entreprise qui ne serait pas exemplaire. L’entreprise a un rôle important à jouer et beaucoup à gagner en agissant avec sincérité.
Ce sont ces attentes, qui ont conduit le gouvernement fin 2017 à reposer la question de l’objet social et de la raison d’être des sociétés et ces mêmes souhaits qui poussent l’Europe à se positionner en faveur d’une gouvernance durable. Ces défis, de nombreuses entreprises s’y étaient déjà attelées et n’ont pas attendu pour les relever.
Érigée par la loi PACTE, la raison d’être est en réalité et depuis toujours à l’origine de chaque projet d’entreprise. Certaines organisations, ont depuis mai 2019 – date d’entrée en vigueur de la loi PACTE – choisi de s’interroger sur leur raison d’être.
Que votre raison d’être soit inscrite ou non dans les statuts de votre organisation, il est essentiel de veiller à sa pérennité et d’en faire un axe structurant de la réalisation de vos activités.
J’ai moi-même souhaité que cette réflexion soit menée au MEDEF et ai proposé à nos membres en 2019 d’inscrire notre raison d’être : « Agir ensemble pour une croissance responsable », dans les statuts de notre organisation.
La mise en place d’une raison d’être est une étape clé qui mobilise l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise. Sa prise en considération et son suivi dans le temps sont tout aussi déterminants. Que votre raison d’être soit inscrite ou non dans les statuts de votre organisation, il est essentiel de veiller à sa pérennité et d’en faire un axe structurant de la réalisation de vos activités.
À compter de la décision de mettre en place une raison d’être, il faut être ferme sur la volonté d’allier cette raison d’être au futur de l’entreprise et de ne pas simplement l’utiliser comme un effet de mode. La raison d’être ne doit pas être perçue comme un outil de communication ou de marketing, elle est un engagement fort.
Dès la publication du « Rapport Notat-Senard », on a vu poindre une pression de la société sur les entreprises pour qu’elles définissent leur raison d’être. L’entreprise doit résister à cette forte pression d’agir dans la précipitation. Une raison d’être ne se crée pas dans l’urgence ! Elle se réfléchit, se mûrit, se nourrit collectivement ! J’encourage à cet effet, les entreprises à se fixer un objectif d’engagement collectif, car la raison d’être ne se décide pas seul. Elle est le reflet de l’identité de l’entreprise, sa prise en compte doit donc être globale et son suivi, l’affaire de tous. En ce sens, l’échange avec les parties prenantes est essentiel. Les collaborateurs doivent évidemment y être associés, afin que demain la raison d’être soit portée chaque jour et sur le long terme. Le dialogue peut notamment s’instaurer au niveau du conseil d’administration, avec les administrateurs représentant les salariés. Ces représentants sont des éléments clés et leur présence a d’ailleurs été récemment renforcée par la loi PACTE. Si le modèle allemand de la cogestion n’est pas transposable en France, il me paraît en revanche tout à fait essentiel de renforcer l’association des salariés à la vie de l’entreprise et notamment à ses résultats, en profitant de toutes les possibilités du droit français.
La raison d’être est le reflet de l’identité de l’entreprise, sa prise en compte doit donc être globale et son suivi, l’affaire de tous.
Ce dialogue doit être engagé avec tous. J’invite chacun à être curieux, pour embrasser largement l’écosystème de l’organisation et dialoguer avec ses collaborateurs, actionnaires, investisseurs, fournisseurs, sous-traitants, partenaires, clients, la société civile, les ONG, etc. Ces échanges vous permettront d’appréhender leurs attentes, mais aussi de comprendre ce que votre entreprise peut apporter à la Communauté.
Je vois naître des volontés d’encadrer juridiquement ce dialogue, mais il me semble important d’offrir de la souplesse. Celui-ci, au même titre que l’association des parties prenantes doit être libre et non institutionnalisé, néanmoins chaque organisation doit s’y intéresser.
Il appartient à chaque entreprise de définir le périmètre de ses parties prenantes et de décider de la meilleure manière d’organiser le dialogue. Ce processus garantit une flexibilité et permet notamment à l’entreprise de s’adapter aux spécificités de ses activités ou des territoires où elle opère. La création doit résulter d’une intelligence collective librement organisée !
J’invite chacun à être curieux, pour embrasser largement l’écosystème de l’organisation et dialoguer avec ses collaborateurs, actionnaires, investisseurs, fournisseurs, sous-traitants, partenaires, clients, la société civile, les ONG, etc.
Au-delà de sa création, la raison d’être est un élément vivant. Que l’entreprise ait choisi de l’inscrire ou non dans les statuts, il est important de continuer à en alimenter la substance car l’entreprise elle-même se nourrit de la raison d’être. Il faut s’y sentir lié ! Dans ce cheminement, la gouvernance et le conseil d’administration ont à mon sens un rôle de gardien, en instaurant un suivi régulier et ambitieux.
La raison d’être est un travail de longue haleine, mais lorsqu’elle a été bien définie, elle peut s’avérer être un formidable outil pour guider sa stratégie à court, moyen et long terme.
Biographie de Geoffroy Roux de Bézieux
Il est le président du MEDEF depuis le 3 juillet 2018. Il est élu pour 5 ans.
- Entrepreneur depuis 22 ans
- Président-fondateur de Notus-Technologies
- Président du MEDEF depuis le 3 juillet 2018
- Diplômé de l’Essec et d’un DESS de l’Université Paris-Dauphine
- 55 ans, marié à Sabine (présidente de fondation), 4 enfants.
Depuis 2014, Geoffroy Roux de Bézieux est fondateur de Notus-Technologies, (40M€ de CA – dont une part significative à l’international – 250 salariés). Il débute sa carrière en entreprise au sein du groupe L’Oréal, où, pendant 10 ans, il exerce des fonctions au marketing notamment, en Angleterre puis directeur général en Pologne.
En 1996, à 34 ans, il devient entrepreneur et crée The Phone House, première chaîne de magasins entièrement dédiés à la téléphonie mobile. En huit ans la société ouvre 200 points de vente et réalise 200M€ de CA. En 2000, le groupe se cote à Londres et prend le contrôle de The Phone House. Il en devient alors directeur général pour développer The Phone House en Europe de 2000 à 2004. À son départ le groupe compte 2 000 magasins, 10 000 employés et 1M£ de chiffre d’affaires.
En 2004, il crée la société Omea Telecom qui lance Breizh Mobile, le premier opérateur mobile alternatif (MVNO). En 2006, il convainc le groupe Virgin d’investir dans ce projet et lance Virgin Mobile. En décembre 2014, Numericable rachète Omea Telecom pour 325M€. Le groupe compte alors 1,8 million de clients et réalise 460M€ de CA.
En 2014, il crée le Groupe Notus-Technologies, qu’il contrôle à 100%.