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Le mot français pour Festschrift est le mot « mélange ». Dans le monde académique, par "mélange", on entend un ouvrage, en l’occurrence, une web conférence qui donnera lieu à une publication spécifique, rassemblant des articles consacrés à une personne, souvent un universitaire apprécié pour ses travaux de recherche, par ses collègues ou ses collaborateurs, l’honneur est rendu de son vivant et en rapport avec son champ de recherche. L’honneur le mot est posé – dans le cas présent, il est indéniable qu’il a été rendu à Philippe Aghion et à Peter Howitt de manière magistrale et inédite lors de la  Festschrift Conference intitulée « The Economics of creative Destruction », des 9, 10,11 et 12 juin 2021 derniers !

En effet, cet événement exceptionnel a fédéré une centaine d’intervenants, dont 11 Prix Nobel, 3 membres du comité Nobel, et le président de la République, Emmanuel Macron.

Chacune de ces sommités, les unes après les autres, a souligné l'importance de la contribution des deux « honorés », et à quel point elle a changé le paysage en économie.

La conférence, organisée en sessions, comprend des auteurs d'articles et des « discutants ».  A son issue, les articles sont destinés à être publiés dans un volume spécial sur « l'Économie de la destruction créatrice », édité par Harvard University Press.  

Le format numérique de la conférence a permis à plus de 4000 participants du monde entier, et à près de 800 chaque jour ,de suivre les sessions par Zoom. Les liens YouTube ont été visités plus de 10 000 fois !

Mais avant de rentrer dans le vif du contenu de la conférence, un retour à 1992 s’impose : les professeurs Philippe Aghion et Peter Howitt publient leur papier fondamental « A Model of Growth through Creative Destruction ». C’est pour honorer les trente ans de ce modèle déterminant de la recherche économique, et plus généralement des travaux de ces deux macroéconomistes, leurs contributions aux différents domaines de l'économie, que Ufuk Akcigit, professeur d’économie à l’Université de Chicago, et John Van Reenen, professeur d’économie et de gestion à la London School of Economics et au MIT, ont organisé cette Festschrift Conference qui sera suivie par une publication principale début 2022, soit trente ans après l’article initial publié dans la revue Econometrica. 

Ces deux chercheurs de pointe de la jeune génération en économie de la croissance et de l'innovation ont donc pris l'initiative d'organiser ce séminaire de quatre jours réunissant toutes les sommités internationales dans ce domaine de la croissance et de l'innovation ainsi que dans les domaines connexes : économie du travail, économie industrielle, commerce international, économie de l'environnement, économie du développement, taxation et inégalités, finance, science et théorie des organisations. 

La conférence a été ouverte par le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et conclue par Emmanuel Macron.

Les intervenants dont quatre-vingt économistes, les plus reconnus dans leur discipline, se sont réunis pour présenter et échanger leurs idées relatives au concept de destruction créatrice, et sur l’apport de ce modèle à la recherche en économie mais également, à l’aune de la pandémie, pour exprimer et échanger leurs idées sur la façon dont le cadre de la destruction créative offre une nouvelle perspective pour réfléchir à des questions telles que :

  • Quels sont les effets de la destruction créatrice sur l'emploi et la santé ?
  • Pourquoi avons-nous observé une baisse de la croissance malgré les révolutions informatique et IA ?
  • Comment la destruction créatrice interagit-elle avec la concurrence et le commerce ?
  • Comment expliquer et lutter contre les inégalités pour rendre la croissance plus inclusive ?
  • Comment concilier croissance et environnement, notamment le défi du changement climatique ?
  • Comment financer et organiser l'écosystème de l'innovation pour favoriser la destruction créatrice ?
  • Comment réguler le capitalisme moderne ?

Ces interventions scientifiques sur chacun des sujets abordés ont appuyé l'importance dans les débats actuels tels que :  comment repenser le capitalisme, comment réagir à la concurrence chinoise sans tomber dans le protectionnisme, comment sortir de la stagnation séculaire et repenser la politique de concurrence à l'heure du digital, quels instruments mobiliser pour rendre la croissance plus verte, comment rendre la croissance plus inclusive, comment améliorer l'écosysteme d'innovation en Europe, comment minimiser les effets potentiellement négatifs de la destruction créatrice sur les employés.

Des thèmes particuliers ont émergé comme ceux de la concurrence, des inégalites, de l’environnement, de l’écosysteme d'innovation et de la globalisation post-Covid.

Les participants ont montré à quel point la prise en compte de la destruction créatrice comme principal moteur de croissance permet d'éviter bien des écueils lorsque l’on cherche à fouler une politique de croissance. Par exemple, subventionner uniquement les entreprises existantes au détriment des nouveaux entrants compromet la croissance. Il faut à la fois un État efficace et une intervention forte de la société civile pour diriger cette force qu'est la destruction créatrice vers l'objectif d'une croissance à la fois soutenue, verte, et inclusive.

Toutes les contributions étaient originales. Certains intervenants ont poussé des vues ou paradigmes qui, tout en s'appuyant sur les modèles schumpéterien et « Aghion-Howitt », cherchent à le dépasser : ils se sont livrés à des tentatives de destruction créatrice sur la théorie elle-même des deux macroéconomistes !

La conférence a commenté comment la recherche des professeurs Philippe Aghion et Peter Howitt a profondément influencé le travail de nombreux chercheurs dans les domaines du marché du travail, de la concurrence, de la mesure de la croissance, de l'économie politique, des inégalités, de la fiscalité et de la réglementation, et bien plus encore. 

Philippe Aghion poursuit actuellement ses recherches sur l'économie de l'innovation et de la croissance à la recherche de méthodes empiriques qui permettent de distinguer les « bonnes rentes », celles qui résultent d'innovations significatives, des « mauvaises rentes », celles qui proviennent d'une position dominante. Ces deux types de rentes ne doivent pas être traitées de la même façon par les pouvoirs publics. Après avoir assisté à la Festschrift Conference de Philippe Aghion, le média économique de l’Institut de l’Entreprise continuera à suivre les travaux de celui qui fut également le grand témoin de la Conférence Sociétal organisée en partenariat avec l’Académie de Sciences morales et politiques de mars dernier à l’Institut de France, et à les porter à la connaissance de ses lecteurs !