Le 15 mars dernier, Sociétal avait l’honneur d’accueillir l’économiste Philippe Aghion pour une conférence sur le thème : « Penser l’après-Covid : le pouvoir de la destruction créatrice ». Louis Lalanne, co-fondateur de l’association de grandes écoles et universités Newpolis, nous livre ce qu’il a retenu de cette invitation de Philippe Aghion « à inventer une nouvelle phase du capitalisme, conciliant les vertus du modèle innovant américain et du modèle protecteur européen ».
Pour le dernier épisode de Purpose info, j’ai eu le plaisir de recevoir Jacques Attali et Laurent Alexandre.
Dès le début, Jacques Attali a expliqué que rapprocher ces deux concepts ne servirait qu’à faire du buzz, car il ne voyait pas de convergence entre les deux. Le débat n’avait pas commencé, mais déjà, le ton était donné : taquin… Pourquoi n’ai-je pas répondu sur le coup ? D’abord, parce que je considère comme primordial, lors d’un débat, que celui qui pose les questions ne vienne pas le perturber avec sa propre vision des choses. Il faut être humble quand on invite des personnalités à débattre, les interrompre le moins possible, bref, faire exactement le contraire de ce que l’on voit en permanence dans la plupart des médias. Écouter ce que les gens ont à dire n’est pas de la servilité. Surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’hommes politiques dont la langue de bois mérite en effet parfois qu’on les interrompe. Il y a souvent plus de richesse dans une pensée qui a le loisir de se développer à sa guise, que dans les interruptions permanentes auxquelles se livrent certaines gloires médiatiques….
D’autre part, parce que j’ai toujours eu une grande admiration pour Jacques Attali et que je voulais prendre le temps de m’interroger, le plus honnêtement possible, sur les raisons qui m’avaient poussé à proposer un débat sur « la raison d’être à l’heure de l’intelligence artificielle ». Aurais-je pu succomber à la tentation de coller ensemble deux mots pour le plaisir du « buzz » ? Cette pensée désagréable fut rapidement chassée de mon esprit, dès le début de mon questionnement...
D’abord, parce que l’intitulé n’était pas « Raison d’être et intelligence artificielle », mais bien « la raison d’être à l’heure de l’Intelligence Artificielle », c’est-à-dire à une période ou les organisations qui n’ont pas entamé leur mue numérique semblent de plus en plus mal en point. La crise sanitaire actuelle sonnera d’ailleurs peut-être le glas pour un certain nombre d’entre elles. Ensuite, car bien qu’il y ait eu des échanges très intéressants sur de nombreux sujets sur lesquels mes deux invités avaient envie de débattre, je suis intimement convaincu qu’il aurait pu être judicieux d’évoquer davantage les défis que l’IA va poser aux organisations et surtout la façon dont cela pourrait orienter leur travail sur leurs finalités et leur raison d’être. Sans doute autant que l’optique RSE voulue et prévue par la loi Pacte et dont il a été question, mes deux invités ayant leur opinion sur le sujet. Il est me semble-t-il possible de faire le lien entre la raison d’être, qui fait partie de l’identité profonde d’une entreprise (au même titre que ses valeurs et sa vision) et les réflexions que la montée en puissance progressive d’une IA, même faible, devraient provoquer dans les entreprises et administrations, y compris dans celles de « l’économie de la vie » si chère à Jacques Attali. La raison d’être des entreprises de la santé ou de l’éducation par exemple gagnerait à être articulée autour des (r)évolutions numériques. Pour la santé, on ne peut pas attribuer les échecs de Sanofi ou de l’Institut Pasteur sur le vaccin anti covid à un travail insuffisant sur la raison d’être, il y a une multitude de causes. Néanmoins, peut-être que l’étude réalisée au moment de la formalisation de la raison d’être de Sanofi aurait pu être un peu plus complète ? Et que dire de l’Education Nationale Française qui n’a toujours pas réussi sa mue numérique depuis l’échec calamiteux du plan Informatique pour tous en 1984 ? En travaillant sur leur raison d’être, les enseignants pourraient à la fois donner du sens (cf. le dernier papier de Philippe Silberzahn, mon précédent invité), mais se concentrer sur le cœur de leur mission, la transmission du savoir, quitte à confier toutes les tâches qui peuvent l’être à l’informatique.
Il faut voir et revoir les conférences de Sugata Mitra pour mesurer l’écart entre les projets de réformes de nos ministres de l’Education nationale et ce qu’il serait possible de faire en réalité.
Pour en revenir aux entreprises, c’est l’analyse du génial Jim Collins, avant même que Simon Sinek ne popularise la question du « Pourquoi », qui m’a convaincu que ce qui différenciait les entreprises visionnaires de leurs concurrentes, c’était justement cette réflexion sur l’identité. En partant du postulat socratique « connais-toi toi même », on peut réaliser un travail utile autour des finalités des organisations. On peut travailler à formaliser une raison d’être qui ait vraiment du sens et construire une vision partagée, avec les collaborateurs et les parties prenantes externes. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, Jacques Attali n’a finalement pas eu le loisir de répondre à ces questions sur la construction de la raison d’être, mais cet article est une invitation à continuer le débat sur ces sujets passionnants... Pourquoi pas sur son blog ou dans sa tribune dans Les Echos ?
On pourrait par exemple imaginer que l’IA, grâce au traitement sémantique, permette de créer des sortes de ratios de congruence des représentations que se font chacune des catégories des organisations, en interne, comme en externe. Si je me suis élevé contre le processus de co-construction de la raison d’être tel qu’il est pratiqué à l’heure actuelle, c’est justement parce que sous couvert d’un processus ouvert d’écoute, on avait au contraire du « top-down » classique, mais déguisé. Avec de l’analyse sémantique par contre, on pourrait récupérer les éléments des enquêtes existantes et retrouver les thèmes précis qui illustrent la différence d’appropriation des valeurs entre la base et le sommet et travailler avec beaucoup plus de finesse sur les thèmes qui suscitent l’adhésion. Cela se couplerait ensuite à ce que propose Wassati avec « Transparent Tracking », un système qui permet d’automatiser les audits et de vérifier les différents impacts de tel ou tel engagement (par exemple : se passer d’huile de palme pour un producteur agro-alimentaire).
Clarence Michel, Fondateur de 3-COM et Purpose Info 3-COM
Cabinet de conseil fondé en avril 2020 à Aix-en-Provence, spécialisé dans l’identité et la culture des organisations et plus particulièrement l’histoire, les valeurs, la raison d’être et la vision. Purpose Info est un rendez-vous mensuel autour de la raison d’être. Les premiers épisodes ont permis de recueillir les avis d’experts tels que Jean-Charles Simon, Bertrand Valiorgue, Martin Richer et Michel Albouy.