Convaincu que la liberté d’entreprendre est indispensable pour résoudre certains des défis les plus importants de notre époque, le directeur général de l’Institut de l’Entreprise [1] défend la contribution des entreprises à l’intérêt général et prône une meilleure intégration de la RSE dans leur stratégie. En se basant sur ses observations de la situation actuelle des entreprises, Paul Allibert dresse les enjeux futurs du capitalisme.
Dans cette tribune, Clarence Michel entend « s’attaquer au mythe de la co-construction » comme méthode d’élaboration d’une raison d’être. Une position iconoclaste qui tranche résolument avec les positions habituellement avancées dans la revue Sociétal - mais qui trouve naturellement sa place dans ce blog visant à susciter le débat et à cultiver la diversité des points de vue.
C'est sans doute la forme la plus prisée dans les startups et dans les grands groupes qui se sont prêtés à l'exercice. Autant l’exercice peut avoir du sens avec une petite équipe, autant il ne nous semble pas réaliste de croire qu’une co-construction efficace soit possible dans des groupes de plusieurs milliers ou dizaines de milliers de personnes… C’est même le meilleur moyen d’engendrer de la frustration !
Le thème de la « raison d’être » est à la mode en France : via le rapport Notat-Senard en 2019, puis la loi PACTE de Bruno Le Maire l’année suivante. Et, dans une époque très « participative », il est devenu commun d’appeler à « co-construire » la raison d’être. Nous ne croyons pas que ce soit particulièrement judicieux. Les résultats obtenus avec cette formule sont d’ailleurs le plus souvent décevants... Il faut entendre Michel Albouy énumérer ceux-ci avec délectation dans le second épisode de Purpose Info pour s’en convaincre…
Ce qui importe, c’est ce qu’il y a derrière la raison d’être (les engagements et le « cahier de raison d’être »). Nous pensons aussi qu’il est temps de s’attaquer au mythe de la co-construction. Ce ne sont ni les salariés, ni les parties prenantes qui déterminent la raison d’être d’une entreprise. La décision finale qui est prise, généralement dans l’ombre, par les grands groupes (nous l’avons observé chez Orange grâce à notre passionnant entretien avec M. Sebastien Crozier de la CFE CGC) n’a que peu de rapports avec la multiplicité des résultats obtenus par ces grandes consultations.
Et c’est assez logique, c’est aux leaders d’imprimer une direction, c’est aux dirigeants d’incarner l’identité de l’entreprise, sa raison d’être, ses valeurs, au quotidien, pas seulement lors de la formalisation de ces outils essentiels du management. c'est de l'alignement de l'ensemble que dépend le succès global...
Suivre la mode de la consultation de l'ensemble des parties prenantes peut être d'autant plus mal vu que cet exercice d'ouverture est comparé avec les pratiques habituelles de l'organisation. À quel point celle-ci est-elle en temps normal à l'écoute de ses salariés et des attentes de ses consommateurs ? Plus l'écart est grand, plus l'exercice sera jugé artificiel et contre productif.
La co-construction peut aussi engendrer de la frustration, car les collaborateurs les plus engagés peuvent s'impliquer dans des réunions, réfléchir, proposer, pour au final ne pas retrouver la moindre trace de leur(s) contribution(s) dans les résultats finaux... On comprend aisément le sentiment qui va se dégager lorsque toute cette énergie créatrice n'est pas sérieusement prise en compte et qu'on ne fournit pas à ses collaborateurs les moyens de s'engager sur les sujets qui leurs tiennent à coeur.
C'est pourquoi, une fois la raison d'être formalisée, il faut vérifier qu'elle parle au plus grand nombre, en interne et en externe et faire travailler les équipes à l'adaptation concrète de celle-ci au niveau local. Pourquoi ne pas aller jusqu’à créer ensuite des raison d’être, qui bien qu’alignées avec celle de l’organisation parlent davantage au niveau de l’équipe ? Celles-ci peuvent être co-construites, pas celle du groupe. Plutôt que de continuer à s’accrocher à un mythe, il est important que les grandes entreprises pratiquent enfin l’écoute. Et cela ne passe pas forcément par une « co-construction », mais plutôt par des enquêtes, quantitatives et qualitatives sur le point de vue réel des salariés et des parties prenantes sur les points forts et les points faibles des organisations.
Clarence Michel, Fondateur de 3-COM et Purpose Info 3-COM
Cabinet de conseil fondé en avril 2020 à Aix-en-Provence, spécialisé dans l’identité et la culture des organisations et plus particulièrement l’histoire, les valeurs, la raison d’être et la vision. Purpose Info est un rendez-vous mensuel autour de la raison d’être. Les premiers épisodes ont permis de recueillir les avis d’experts tels que Jean-Charles Simon, Bertrand Valiorgue, Martin Richer et Michel Albouy.