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Sociétal - Antoine Foucher - Raison d’être des entreprises : une proposition pour articuler démocratie, marché et bien commun au XXIème siècle ?
Gouvernance et Raison d'être

Antoine Foucher - Raison d’être des entreprises : une proposition pour articuler démocratie, marché et bien commun au XXIème siècle ?

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#Gouvernance et Raison d'être Analyses

Antoine Foucher, président de Quintet Conseil et ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, ministre du Travail (2017-2020), sonde ici la profondeur historique de l’idée de raison d’être pour en évaluer la robustesse, et dresse un premier aperçu des tiraillements qu’elle laisse présager : si l’entreprise entend contribuer au bien commun, sur quelle définition du bien commun prendra-t-elle appui ?

Sous sa forme européenne comme américaine, c’est au début du XXIème siècle que la notion de « raison d’être » des entreprises fait son apparition : pourquoi à ce moment-là ? Aurait-elle pu émerger avant ? À quel stade du développement de la modernité et du capitalisme correspond-elle ? Chercher l’origine de la raison d’être et les conditions historiques qui l’ont rendue possible, c’est tenter de répondre à une question plus immédiate qui agite les débats actuels autour du concept : nouvelle trouvaille à la mode des communicants en quête de supplément d’âme ? Ou au contraire proposition politique robuste qui s’efforce, rien de moins, d’esquisser une articulation nouvelle entre démocratie et marché correspondant aux besoins de notre temps, et donc destinée à subsister ?

De son enracinement dans l’histoire dépend sa capacité à durer dans le temps : soit ce n’est qu’une idée marketing assez puissante pour attirer les entreprises à la pointe de la communication contemporaine, et alors elle disparaîtra aussi vite qu’elle a surgi ; soit elle apparaît maintenant parce qu’historiquement elle ne pouvait pas apparaître avant, en ce sens précis qu’elle répond à un problème historique singulier, à un moment particulier du développement de la démocratie et du marché, et alors elle a de bonnes chances de traverser le XXIème siècle.

Si cette seconde hypothèse est la bonne, et que nous sommes non pas en plein effet de mode, mais au début d’une longue histoire, les difficultés que la notion pose n’en sont qu’à leurs prémisses : si les entreprises prétendent, via leur raison d’être, participer au bien commun, ou à l’intérêt général, comment chaque vision de l’intérêt général porté par chaque entreprise s’articule-t-il à l’intérêt général traditionnel, celui dont l’État a longtemps eu le monopole ? Comment la raison d’être d’une entreprise, de même, peut-elle s’articuler avec ce qu’on serait tenté de définir comme un intérêt général mondial, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique ?

Sonder la profondeur historique de l’idée pour en évaluer sa robustesse, puis donner un premier aperçu des tiraillements qu’elle laisse présager : tel est le programme qu’on voudrait suivre ici rapidement.

Origine de la raison d’être : deux temporalités qui s’emboitent.

Pour la clarté de l’exposé, posons l’hypothèse d’emblée : la raison d’être est l’enfant d’une double évolution historique, de deux temporalités qui s’emboitent : l’une assez longue, et qui n’est rien de moins que la Modernité, et l’autre plus courte, que l’on peut qualifier, après d’autres, comme une crise du capitalisme actionnarial.

De la Modernité, on retiendra l’interprétation de Marcel Gauchet : le passage de l’hétéronomie à l’autonomie, c’est-à dire de la société conçue comme un tout organique où chacun n’existe qu’à travers la place que cette totalité lui assigne, à une société d’individus qui s’associent librement par contrat et dessinent librement leur futur. Fait bien connu, c’est cette question de l’histoire, c’est-à-dire du futur désirable à construire à partir de cette nouvelle liberté, qui va s’avérer la plus difficile à apprivoiser : si les droits de l’homme fournissent le nouveau fondement de la légitimité du pouvoir, ils ne renseignent en rien sur la direction à prendre et l’avenir souhaitable à dessiner. Ils mettent à disposition une nouvelle matrice capable d’instituer le pouvoir, mais ils sont muets sur l’intérêt général concret qu’il faut viser. Être libre, c’est bien, mais pour aller où ? Vers quel avenir souhaitable ?

 

La raison d’être est l’enfant d’une double évolution historique, de deux temporalités qui s’emboitent : l’une assez longue, et qui n’est rien de moins que la Modernité, et l’autre plus courte, que l’on peut qualifier, après d’autres, comme une crise du capitalisme actionnarial.

 

D’où la prégnance, pendant deux siècles, de l’espérance révolutionnaire qui met sur la table une proposition profondément ensorcelante, en rapatriant sur terre l’eschatologie chrétienne : c’est la société socialiste, la société sans classe, qui représente l’horizon ultime du bien commun, la fin de l’histoire livrant la formule définitive du bonheur des Hommes. S’il a fallu le sanglant XXème siècle pour nous dégriser de cette religion séculière, la faillite de l’espérance révolutionnaire ne dégage à nouveau l’horizon que pour nous replonger dans le questionnement d’origine : où allons-nous ? Quel futur désirons-nous ? Quelle est notre conception du bien commun, de l’intérêt général que nous visons ? Nous voilà réduits à poursuivre notre intérêt particulier sur le marché des échanges et à ne participer à la conception de l’intérêt général que de façon discontinue et frustrante, en glissant de temps en temps dans une urne un bulletin de vote, dont l’effet sur le destin collectif ne frappe pas les esprits.

C’est de cette frustration citoyenne que naît précisément la raison d’être des entreprises : elle surgit du refus des personnes de n’avoir prise sur l’avenir qu’à travers la délibération politique qui leur échappe, elle réintroduit du citoyen public dans l’individu privé, et signe la possibilité d’infléchir le cours des choses à travers son travail au quotidien, et non plus seulement son activité politique.

C’est là le point décisif de sa généalogie : il aura fallu que l’illusion communiste perde définitivement sa puissance d’attraction sur les consciences pour qu’une notion comme la raison d’être, qui prétend connecter les entreprises au bien commun et réconcilier l’individu avec le citoyen, puisse être inventée et percer dans l’espace public. Ne serait-ce que pour imaginer une entreprise privée contribuer au bien commun, il faut avoir laissé derrière soi la question de la légitimité de l’entreprise, et avoir admis que la propriété privée des moyens de production ne constitue pas, en soi, un obstacle à la réalisation du bien commun. Aurait-on formulé l’idée pendant les Trente Glorieuses, c’était le ricanement général assuré : d’aucuns y auraient immédiatement reconnu la ruse bourgeoise faisant croire au prolétariat que l’intérêt général pouvait s’accommoder, et même être servi, par l’existence d’entreprises privées.

 

On peut considérer la raison d’être comme un effort pour infléchir, ou réformer, le capitalisme, mais c’est un contresens historique complet que d’y voir une tentative de dépassement de l’économie de marché.

 

D’où les résistances que le concept, même en 2021, suscite encore auprès de certaines organisations syndicales, qui ont bien senti la rupture fondamentale de paradigme que la raison d’être implique : pour que la notion s’installe, il faut que l’avenir révolutionnaire ait disparu. Supposant le débat sur la propriété privée des moyens de production définitivement clos, la notion n’apparaît à l’horizon qu’une fois la brume socialiste dissipée.

En ce sens, on peut la considérer comme un effort pour infléchir, ou réformer, le capitalisme, mais c’est un contresens historique complet que d’y voir une tentative de dépassement de l’économie de marché.

Résumons, donc : la raison d’être, qui suppose que les entreprises contribuent à l’intérêt général, ne peut apparaître dans l’histoire qu’une fois que l’existence même des entreprises privées n’est plus considérée comme faisant obstacle à cet intérêt général. C’est pourquoi la notion ne pouvait apparaître et percer qu’au début du XXIème siècle, et pas avant. Surtout, elle correspond bien à un stade donné de l’évolution de l’économie de marché, définitivement admise comme indépassable, et de la démocratie, dont les citoyens ne veulent plus se contenter de peser sur l’avenir uniquement via l’action politique, mais également au travers de leur action d’individu privé. La raison d’être surgit à la jonction de ce moment de l’économie de marché et de cette crise de la démocratie : ancrée dans l’histoire longue, elle a toutes les chances de s’installer dans le paysage politique et économique pour longtemps.

 

La raison d’être, qui suppose que les entreprises contribuent à l’intérêt général, ne peut apparaître dans l’histoire qu’une fois que l’existence même des entreprises privées n’est plus considérée comme faisant obstacle à cet intérêt général.

 

Refondation de l’entreprise sur la raison d’être après 2008

D’autant que l’élaboration du concept, si l’on grossit à présent la focale, a été précédée d’un profond travail théorique sur l’idée d’entreprise elle-même, qui en a constitué le terreau intellectuel. C’est la seconde temporalité qui s’emboîte dans la première : sur la longue durée de l’économie de marché, la raison d’être ne pouvait certes apparaître qu’après 1989, mais si l’on zoome sur la période post-communiste, c’est bien la crise de 2008 qui a déclenché les efforts de conceptualisation qui aboutiront à son inscription dans la loi dix ans plus tard (1). Car si les idées de « finalité social » ou « d’intérêt collectif » font leur apparition dans la définition juridique possible d’une entreprise dès le milieu des années 1990 (2), c’est après la crise de 2008 que les travaux s’intensifient et aboutissent de façon décisive. Dans la foulée de la crise des subprimes, il s’agit en effet de partir à la recherche des causes profondes de la convulsion financière mondiale : effet de la dérèglementation bancaire ou crise plus profonde du capitalisme ? Les travaux conduits ne tardent pas à déceler, derrière la spéculation financière et ses ravages, une défaillance intellectuelle plus substantielle : c’est la conception même de l’entreprise, rabaissée par la corporate governance au simple rang de société propriétaire de ses actionnaires, et n’ayant pour finalité que leur intérêt et leur enrichissement, qui est en cause. Faute d’une doctrine lui permettant d’intégrer l’ensemble de ses parties prenantes, engluée dans un dogme considérant le bien commun comme hors sujet, l’entreprise s’est rabougrie en cash machine et fourvoyée dans l’unique recherche du profit maximum. D’où la nécessité d’engager un travail intellectuel pour en proposer une nouvelle théorie, qui ne sera rien de moins qu’une « refondation ».

Il ne s’agit pas ici d’exposer les travaux conduits en ce sens, pour ne prendre que la France, aussi bien au collège des Bernardins qu’à Mines Paris Tech. Mais ce que le Gouvernement en retient, également éclairé par le rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard (3), c’est que l’entreprise n’appartient pas qu’à ses actionnaires, et qu’elle constitue un projet de création collective qui, par le travail et l’innovation, peut à la fois rémunérer tous ceux qui prennent un risque pour rendre le projet possible (actionnaires, dirigeants, salariés), « et en même temps » contribuer à l’intérêt général. Dès lors que le monopole de l’intérêt général par l’État est intellectuellement brisé, et que le concours que peuvent apporter les entreprises au bien commun est théoriquement fondé, la voie est ouverte pour inscrire la raison d’être dans le Code civil.

 

La RSE était une contrainte extérieure à prendre en compte, la raison d’être est un choix stratégique qui innerve de l’intérieur chacune de ses actions.

 

C’est ici qu’il faut expliquer en quoi cette raison d’être s’inscrit à la fois dans la continuité et en rupture avec la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Bien antérieure à la crise de 2008, la RSE entend réguler l’entreprise de l’extérieur : si elle lui demande des comptes sociaux et environnementaux, c’est au titre des externalités qu’elle génère, c’est-à-dire sans remettre en cause le postulat selon lequel elle est un acteur poursuivant uniquement son propre intérêt sur le marché. Dans la RSE, il y a toujours d’un côté l’intérêt général garanti par l’État et de l’autre les intérêts privés poursuivis par les entreprises : c’est au nom des effets de bord de l’activité privée de l’entreprise sur l’intérêt général, au nom des éventuels dommages causés à l’intérêt général par la poursuite de son intérêt privé, que l’État réclame des comptes aux entreprises, et recense leurs externalités dans les rapports RSE. Si la raison d’être touche également aux enjeux sociaux et environnementaux, et en cela il y a continuité, c’est en application d’un nouveau rapport assumé de l’entreprise avec l’intérêt général, en quoi la rupture avec la RSE est claire et nette : c’est parce que l’entreprise revendique une contribution au bien commun, c’est parce qu’elle se pense, constitutivement, comme un acteur apportant sa pierre à l’intérêt général, qu’elle intègre ipso facto, de l’intérieur, les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. La RSE était une contrainte extérieure à prendre en compte, la raison d’être est un choix stratégique qui innerve de l’intérieur chacune de ses actions. Pour le dire autrement, si la réglementation RSE disparaissait demain, une entreprise sans raison d’être pourrait y voir l’opportunité de se développer sans égard pour ses effets sur la société ; pour une entreprise reposant sur une raison d’être, cela ne changerait rien, la contribution au bien commun étant inhérente à sa stratégie.

C’est donc bien à une refondation de l’entreprise que la raison d’être prétend : en l’arrachant à l’unique sphère de la poursuite des intérêts privés  pour relier son activité à l’intérêt général, elle remodèle à la fois sa conception et sa finalité. C’est tout sauf une évidence, théorique comme pratique, et nous ne sommes qu’au tout début de cette nouvelle histoire, qui s’annonce agitée.

Avenir de la raison d’être : quelle articulation entre les différentes conceptions du bien commun ?

Pour évoquer l’avenir de la raison d’être, il faut au préalable lever les malentendus qui ont pu naître du dispositif à trois étages de la loi PACTE, et en faire l’exégèse.

On le sait, la loi introduit trois modifications dans le droit français : elle prévoit d’abord que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (4), ce qui constitue le premier étage, universel celui-là, de la fusée ; elle dispose ensuite que « les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » (5), dispositif optionnel mais plus ambitieux car nécessitant un vote des actionnaires ; enfin, la loi introduit dans le Code du commerce (6) la qualité de société de mission, dont l’exécution est contrôlée par un organe de suivi intégré à l’entreprise.

Disons-le nettement : c’est ce dernier étage qui constitue la vérité du tout. C’est en référence à lui que les deux autres niveaux se comprennent : ils constituent un nuancier d’options dont le sens ne s’éclaire qu’à la lumière du troisième. La première option est en réalité obligatoire, et implique que toutes les entreprises doivent désormais tenir compte de l’intérêt général, par où elles sont toutes embarquées dans la nouvelle conception de l’entreprise connectée au bien commun. La deuxième option permet d’expliciter la raison d’être de l’entreprise, et donc de revendiquer, avec l’accord des actionnaires, une participation à l’intérêt général. La troisième possibilité, enfin, a le mérite de la franchise et dote l’entreprise de moyens sophistiqués, en interne, de vérifier que sa raison d’être est pleinement respectée. Trois différentes intensités de connexion à l’intérêt général donc, mais sur fond d’une même conception de l’entreprise dans l’économie de marché du XXIème siècle : non plus simplement une société propriétaire des actionnaires en quête de profit, mais un acteur collectif qui doit contribuer au bien commun.

 

Si l’entreprise s’entiche de contribuer au bien commun, sur quelle définition du bien commun prendra-t-elle appui ?

 

Par où l’on voit que la notion pose autant de difficultés politiques qu’elle ne résout de problèmes : si l’entreprise doit contribuer à l’intérêt général, qui sera le juge final qui vérifiera qu’elle s’acquitte convenablement de sa mission ? Plus profondément encore : si l’entreprise s’entiche de contribuer au bien commun, sur quelle définition du bien commun prendra-t-elle appui ?

Certes, il faut rappeler que l’entreprise « ne peut pas répondre à l’aspiration à l’universel incarné par l’État » (7), au sens précis où seul l’État bénéficie et conserve la prérogative d’imposer une  règle légitime à tous, et reste le garant ultime de l’intérêt général. Oublier cette évidence fondamentale, en érigeant la légitimité des entreprises à proposer une définition de l’intérêt général au même niveau que celui de l’État, c’est s’attaquer à ce qui définit le régime démocratique même. En démocratie, il ne peut y avoir qu’un seul arbitre entre les différentes conceptions du bien commun : le peuple souverain, et à travers lui l’État qui actualise sa volonté exprimée par le suffrage universel.

Il n’empêche : la raison d’être vient en réalité, mine de rien, percuter cet équilibre global des sociétés modernes, qui séparait sagement la sphère publique, politique, dans laquelle le citoyen participe à la définition et la recherche du bien commun, et la sphère privée des échanges et de l’économie où chacun poursuit son intérêt propre. Là où la Modernité avait « désencastré simultanément et le politique et l’économique pour les instituer en sphères partiellement autonomes (8) », la raison d’être s’efforce de retisser un lien, et c’est précisément là sa fécondité : elle cherche à réconcilier l’individu et le citoyen, celui qui travaille et celui qui vote, celui qui agit pour son intérêt privé et celui qui réfléchit à l’intérêt général. Elle révèle, dans une époque où on ne demande plus à la politique de changer le monde, mais au mieux d’en réguler les excès, le besoin d’alignement des individus avec eux-mêmes dans l’ensemble de leurs activités : raison d’être individuelle et raison d’être de l’entreprise, c’est tout un.

Ambition démesurée pour un simple concept ? Peut-être, et notamment parce que la seule évolution juridique de l’entreprise ne suffira pas à traduire l’ambition dans les faits. Manque toujours à l’appel une régulation financière ramenant la rentabilité du capital pour l’actionnaire (ROE) à la raison : c’est une chose pour une entreprise de se doter d’une gouvernance et de statuts témoignant d’une volonté de contribuer au bien commun et de les conjuguer avec la recherche indispensable du profit ; c’en est une autre d’évoluer dans un environnement financier global qui rend praticable le chemin. En ce sens, il y a fort à craindre que rien de majeur ne changera si le rendement exigé du capital reste aussi élevé, c’est-à-dire si les États, pour reprendre l’expression de Patrick Artus, ne « disciplinent » pas la finance (9).

Au terme de cette rapide enquête, on est tenté de soumettre la conclusion suivante. La raison d’être est une tentative consistante pour articuler démocratie, marché et bien commun au début du XXIème siècle. Cherchant à répondre à la schizophrénie moderne de l’individu et du citoyen, elle propose de mettre la démocratie et les entreprises, toutes les deux, au service du bien commun : la première l’emporte sur les secondes en légitimité pour fixer le cap souhaitable, et l’imposer aux secondes si nécessaire, mais celles-ci apportent leur concours salutaire à la première, qui traverse une crise historique d’efficacité. Il est évidemment trop tôt pour évaluer ses effets concrets et sa portée politique, mais on peut d’ores et déjà dire que son succès reposera, in fine, sur la responsabilité individuelle : de même que le citoyen peut refuser sa voix à des représentants qui ne conduisent pas son pays conformément à l’idée qu’il se fait de l’intérêt général, de même l’individu peut, tôt ou tard, quitter l’entreprise dont la raison d’être ne lui convient pas, ou qui n’en fait qu’une combine de communication, ce qui est une autre manière de dire qu’elle n’en a pas.


(1) En France, on le sait, ces travaux ont essentiellement été conduits par un ensemble interdisciplinaire de chercheurs regroupés au collège des Bernardins, ainsi qu’à Mines ParisTech. Voir évidemment Blanche Segrestin, Armand Hatchuel, Refonder l’entreprise, La République des idées, Seuil, 2012, et Olivier Favereau et Baudoin Roger, Penser l’entreprise, nouvel horizon du politique, Collège des Bernardins, 2015

(2) Kevin Levillain, Les entreprises à mission, un modèle de gouvernance pour l’innovation, Vuibert, 2017, page 19 et suivantes.

(3) « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », rapport remis le 9 mars 2018 à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

(4) Article 1833 du Code civil

(5) Article 1835 du Code civil

(6) Article L. 210-10

(7) Dominique Schnapper, Alain Schnapper, Puissante et fragile, l’entreprise en démocratie, Odile Jacob, 2020, p.229.

(8) Jacques Mistral, La science de la richesse, Essai sur la construction de la pensée économique, Bibliothèque des sciences humaines, Gallimard, 2019, p. 37.

(9) Patrick Artus, Discipliner la financ, Odile Jacob, 2019. Sur le noeud gordien du ROE, voir notamment l’analyse développée dans Patrick Artus, Olivier Pastré, L’économie post-Covid, Fayard, 2020, p.34 et suivantes.


 

Biographie d'Antoine Foucher

Président de Quintet Conseil, Antoine Foucher a été directeur de cabinet de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, de mai 2017 à juillet 2020.

Ancien Vice-Président de Schneider Electric France de 2016 à 2017, en charge de la stratégie sociale, il a été directeur des relations sociales et de la formation puis directeur général adjoint du Medef, en charge du Pôle social, de 2012 à 2016.

Ancien conseiller technique de Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, entre 2011 et 2012, il est administrateur du Sénat de 2007 à 2010. Il est titulaire d’une licence de lettres modernes, d’une licence de philosophie, d’une maîtrise de sciences politiques et diplômé du Master de Sciences Po Paris.